Le pardon: bon pour la santé physique et psychologique!

Dans cet article du 25 avril 2017, je vous propose une réflexion constructive sur le pardon (à soi-même, à autrui) et ses effets sur votre vie quotidienne.

Vous subissez quotidiennement des préjudices (mineurs je l'espère mais néanmoins pas très agréables) et il y a dans votre vie des comportements dont vous avez fait l'objet et qui vous ont blessé. Certaines choses vous affectent même de manière pérenne, récurrente: au travail, dans le couple ou la famille, ou encore dans votre histoire il y a des blessures dont vous ne savez que faire. Et qui se réactualisent à chaque fois que vous rencontrez une situation similaire; cela crée des blocages dans votre évolution. Souvent même des répétitions. Et des gens vous ont peut-être conseillé de pardonner, comme si c'était facile! Comme si ce que vous avez subi n'était pas grand chose. Pourtant vous avez droit au bonheur, ça on est bien d'accord! Mais comment se l'autoriser... Comment retrouver un coeur léger après toutes ces expériences? Et si pardonner est la solution, pourquoi est-ce aussi dur? Ne risque-t-on pas de retomber dans les mêmes erreurs? Que devient la relation avec l'agresseur, doit-on en plus le remercier?! Il ne manquerait plus que ça! Toutes ces questions viennent d'un manque d'information sur ce qu'est le pardon car nous avons besoin de comprendre pour accepter... de pardonner. Il faut éclaircir la notion de pardon.

Voici donc d'abord ce que le pardon n'est pas. Puis nous verrons ce que le pardon est réellement. Et enfin, comment concrètement pardonner (article à venir).

 

Ce que le pardon n'est pas

 

Il n'a rien à voir avec la justification. Bien qu'elle puisse exister, c'est une autre chose. S'il y avait des raisons qui justifiaient le préjudice subit/imposé, alors tout s'explique et il n'y a pas lieu de pardonner. La cause s'en trouverait presque à l'extérieur du sujet agissant, voir même dans le sujet subissant: "il/elle avait des raisons de me traiter ainsi"... "c'est donc que je le mérite" est la suite de ce raisonnement. S'il y a des raisons/justifications, alors c'est acceptable, on doit considérer que ce comportement blessant est légitime. ça ne permet pas le pardon. 

Le pardon n'a rien à voir avec la demande de pardon (il est entre soi et soi-même, il ne regarde même pas l'offenseur).

Ce n'est pas parce qu'on vous a demandé pardon que vous devez pardonner: attention à la loi de la réciprocité qui fait partie des techniques de manipulation fonctionnant sur les humains. La réciprocité nous entraîne dans des systèmes de dons et de contre-don, surenchère quand on se sent débiteur sur le plan moral ou matériel. Imaginez: vous êtes dans une file d'attente, une personne vous bouscule, vous pensez quel sans-gêne, il ne s'excuse même pas! Et si la personne vous présente aussitôt ses excuses vous dites: ce n'est rien, c'est ok. Donc si elle ne s'excuse pas vous vos sentez offensé et vous éprouvez du ressentiment et si elle s'excuse vous vous sentez respecté et vous ne lui en voulez plus! Plus loin même: si votre offenseur ne s'excuse pas et semble approuver son comportement agressif, vous pouvez même ressentir de la peur (peur du conflit, peur de vos réactions et de perdre le contrôle et de vous énerver ou peur de perdre la face): tous nos sentiments pénibles dérivent de la peur. Il y a la colère aussi, à l'égard de l'autre mais bien sûr envers soi-même: de n'avoir pas pu empêcher cela, cette offense, ce préjudice, ne pas avoir pu anticiper ou réparer et conserver votre dignité, vous sentir respecté. Bonne nouvelle: votre dignité ne dépend pas de la façon dont les autres se conduisent. Heureusement car sinon entre la publicité, les manoeuvres politiques, l'intoxication de notre nourriture, notre air, du discours dominant qui est abrutissant... notre dignité, il n'en resterait plus rien depuis longtemps! Donc soit ce mot de dignité est périmé, et ce concept doit être reconsidéré, soit notre dignité est intacte car c'est de l'intérieur que se décide notre valeur intrinsèque et immuable. 
Ainsi le pardon n'est pas tributaire de la demande de pardon. Vous n'avez donc pas à obtenir qu'on vous demande pardon pour pardonner. Encore une fois votre liberté  ne concerne pas autrui et ne dépend que de vous.

Ensuite, le pardon que vous accordez n'implique ni l'oubli, ni la preuve de votre grandeur d'âme, ni la réparation, ni la réconciliation.  

Pas de réconciliation nécessaire: vous pouvez continuer de fréquenter la personne à qui vous avez pardonné ou ne plus jamais la revoir, comme vous voulez. Car vous pouvez prendre des mesures pour prendre soin de vous et vous respecter. Rappelez-vous: l'amour agit. Aimer est différent de subir. Vous pouvez tout fait pardonner pour vous libérer vous-même  à l'intérieur, et à l'extérieur, prendre les mesures nécessaires pour sanctionner ou vous protéger. Si l'autre personne a un fonctionnement qui est trop différent de ce qui est bon pour vous, vos chemins se séparent, bien sûr, au moins à l'intérieur de vous. Vous n'allez pas copiner en plus! 
Votre pardon est indépendant de toute réparation également: les conséquences de l'acte peuvent être toujours présentes, votre offenseur n'ayant ni le moyens ni l'envie de réparer ses torts. Nous avons ainsi tous des cicatrices au corps et au coeur si l'on peut dire. De même il y a des objets, des situation, des personnes qui ont disparu de notre vie et nul ne nous les restitue.
Le pardon n'est pas non plus la preuve de la "grandeur d'âme" de celui qui l'émet: il ne s'agit pas de dominer son agresseur par une clémence exemplaire.
Enfin le pardon n'est pas l'oubli. Ni l'inconscience. Les évènements restent en mémoire, par exemple pour comprendre quelque chose d'important sur soi. Sur son fonctionnement psychologique, ses besoins, sa personnalité, mieux se connaître.  

 

Ce que le pardon est vraiment

S'il y a une forme d'oubli dans le pardon, ça n'est pas dans le sens d'un déni traumatisé ou d'une inconscience candide mais dans le sens de "l'oubli heureux" dont parle Paul Ricoeur. Cet oubli heureux existe quand le pardon fait de la place pour accueillir la vie à nouveau, et qu'à la place de la souffrance ou la rancoeur viennent la joie, les projets, le plaisir de vivre. L'évènement pénible est oublié dans le sens où il est exclu du quotidien, il y a une rupture du lien avec ce qui faisait souffrir. L'évènement est comme devenu neutre, non pas que l'émotion en soit gelée mais il a perdu tout pouvoir sur le sujet qui dorénavant se construit en toute liberté.
Il est important de réaliser que le pardon est d'abord la reconnaissance qu'on a été victime, que ce qu'on a subi était injuste et immérité. On pardonne parce que justement c'est inadmissible: il n'y a pas d'autre solution pour se débarrasser de la blessure. Aucune réparation (vengeance, demande de pardon, reconnaissance, compensation) ni justification ne procurant la paix, il ne reste que le pardon. j'ai coutume de dire qu'on ne pardonne que l'impardonnable.
C'est Par-Don: ni par du, ni par dette, c'est un Don. Il n'est donc pas "mérité" par celui qui le reçoit ou qui en fait l'objet, c'est un cadeau total, une grâce. II n'y a rien qui le justifie du côté de l'agresseur, en tout cas pas de recette pour obtenir cette grâce.
Il peut y avoir pardon parce que l'acte était impardonnable, injustifiable, l'autre aurait pu ou du se conduire autrement.

Il n'y a que vous qui sachiez si un évènement est suffisamment grave ou impactant pour pardonner. Donc le préjudice peut être anodin pour une autre personne. Ce qui compte c'est que pour vous ce préjudice soit douloureux (une main aux fesses dans le métro ou un mot de travers dans votre couple sont souvent plus douloureux qu'un coup de poing à votre cours de boxe): c'est là que vous pouvez pardonner. 
Le pardon est avant tout - comme beaucoup de choses - entre soi et soi-même. Votre bourreau n'a pas à savoir que vous lui avez pardonné. Vous pouvez cesser de le fréquenter; d'ailleurs le pardon peut même vous permettre de ne plus jamais recroiser d'individu de ce type, que ce genre de situation sorte à tout jamais de votre vie. Encore une fois: cela ne regarde que vous (même si vous pouvez communiquer dessus évidemment, puisque cela vous appartient). Vous pardonnez pour rompre un lien toxique et un cycle de répétition, voire un lien karmique selon les référentiels. D'ailleurs des fois quand vous pardonnez il n'y a personne pour le savoir à part vous; les protagonistes ont disparu, la situation a changé, le temps est passé: il ne reste que vous.
Le pardon donne de la force pour éviter les récidives. Car vous avez liquidé le lien toxique et vous avez récupéré votre énergie, vos forces et votre lucidité. Vous n'êtes plus la personne qui n'a pas su se protéger de la blessure et qui du coup pourrait en subir à nouveau parce qu'elle est sensibilisée. Vous êtes la personne qui a l'expérience de la situation blessante tout en ayant digéré et évacué la blessure. Vous êtes à la fois averti-e comme une personne expérimentée et serein-e comme une personne innocente.

Le pardon à à voir avec la libération et la paix de l'âme. On se nettoie des influence négatives du passé pour se proposer une nouvelle vie.

Concrètement comment cela peut se passer: si vous voulez pardonner délibérément, parce que vous avez décidé de vous affranchir des relations toxiques et de vos vieilles peurs. Je vous proposerai dans un prochain article un exercice simple afin de manifester délibérément le pardon dans votre expérience de vie. Peut-être souhaiterez-vous aussi vous pardonner à vous-même...

   

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